L’imam N°2 de Gobongo pris en flagrant délit de reconstruction de la mosquée par des anti-balaka

14 juillet 2014

L’imam N°2 de Gobongo pris en flagrant délit de reconstruction de la mosquée par des anti-balaka

dessin imam

 

L’imam N°2 de Gobongo pris en flagrant délit de reconstruction de la mosquée par des anti-balaka a été fait prisonnier pendant une journée. A l’occasion du ramadan 2014, anti-balaka et Seleka avaient trouvé un accord permettant aux musulmans centrafricains de passer cette période de jeûne sans être secoués. Au lendemain de cet accord, l’imam N°2 de cette mosquée située en plein fief des anti-balaka et qui n’a jamais été inquiété (à cause de son origine mandja) a décidé de reconstruire ce lieu de culte avec l’aide de certains de ses adeptes vivant encore dans le coin pour la circonstance.

En pleins travaux, lui et 4 autres travailleurs sont arrêtés par des anti-balaka, ligotés et enfermés dans une case abandonnée en attendant l’arrivée du chef qui va décider de leur sort. Le bâtiment qui était partiellement détruit après l’assaut contre la Seleka en décembre disparaît aussitôt sous des gourdins. Les fers à béton et les sacs de ciment sont revendus à vil prix et l’argent partagé entre des jeunes anti-balaka qui prennent d’assaut les buvettes voisines. Trois heures plus tard, après s’être bourrés à fond, ils reviennent vers les prisonniers, les sortent de la cellule improvisée et leur distribuent le café fort des pensionnaires  puis passent à l’interrogation de l’imam. En face de lui, celui qui se présente comme le chef de la bande.


– « Tu nous fais peur, Imam. Où as-tu trouvé ton courage ? Tu nous défies sur notre territoire sans crainte…
– Je croyais le conflit terminé…
– Hélas, non. C’est quand tu seras enterré que ça finira.
– Pitié ! Ne me faites pas de mal.
– T’inquiète ! Je ne suis pas pressé, mais crois-moi, je finirai par te tuer, toi et ta bande. » Il se tourne vers un de ses hommes. « Apporte-moi le feu, je vais lui brûler sa barbichette de Boko Haram !
– Pitié ! Ne me tuez pas…
– Tu ne veux pas mourir ? Alors pourquoi veux-tu qu’on vienne tuer les autres ? Tu reconstruis cette mosquée pour qu’elle serve de cachette à Boko Haram, n’est-ce pas ?
– Non, Wallaye ! Allah ne veut pas ça…
– Tu es mauvais. On te laisse tranquille ici parce que tu es « Mandja » et tu nous cherches des ennuis. Où est l’imam principal ?
– Au km 5… (et le nom qu’il donne sonne comme «  Gbaya »)
– Pourtant, il est Gbaya comme Bozizé, et il est parti se protéger. Pourquoi n’as-tu pas fait autant ? Tu es un traître, tu roules pour les Seleka et Boko Haram. Voilà pourquoi tu vas mourir.
Les musulmans du quartier, paniqués, décident de voler au secours de leur imam menacé de mort. Ils collectent de l’argent qu’ils proposent au chef des anti-balaka en échange de la liberté du barbu. Mais ils se butent au refus de celui-ci.
– « 10 000 F CFA ? C’est nul ! C’est même une insulte pour le grand chef que je suis. Je veux 50 000 F CFA avant 18 heures. Sinon je l’enterre vivant, votre traître d’imam. »
A 17 heures, les efforts des musulmans n’ont rien donné. La vie de l’imam ne se compte que sur 2 doigts. Il donne alors le numéro de son principal au chef qui appelle…
–  « Salam, j’écoute !
– Vous êtes l’imam de Gobongo ?
– Oui, c’est moi. Que puis-je pour vous ?
– Nous avons entre nos mains votre collègue qui s’est moqué de nous. Nous allons le tuer dans une heure si on ne nous verse pas 50 000 F CFA… » Et le principal, en bon diplomate convainc le chef de ne pas le tuer.
– « Je vous envoie 50 000 F CFA tout de suite. Mais relâchez-le, je vous en prie. »
A 18 heures près, l’argent arrive chez les anti-balaka. L’imam et les quatre autres prisonniers sont libérés. Ils rentrent chez vivants, mais avec la douleur des coups et humiliations subis.  Habituellement, à l’occasion du ramadan, des aides en argent et en vivres sont données à cette mosquée. Le plus souvent, ces aides sont gérées par l’imam principal (lettré et parlant plusieurs langues…) ce qui n’est pas du goût de son second qui se sent moins avantagé. Son absence pendant cette période (réfugiés au km5), et le fait d’être l’unique chef religieux circulant sans inquiétude en terre « ennemie », est la meilleure occasion pour lui de prendre sa revanche, de s’offrir la bonne partie de cette aide. Mais voilà que celui à qui il souhaitait du mal  est venu le secourir en période de tempête.

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