Fête des mères 2014

28 mai 2014

Fête des mères 2014

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Dimanche 25 mai 2014 en rose. Depuis la prise du pouvoir par Michel Djotodja, en mars 2013, les Banguissois renouent avec la fête des Mères. Les guerres stériles de la Seleka ont privé la Centrafrique de cette fête plus importante après le jour de l’An. Toutes les mamans âgées ou jeunes se préparent depuis plusieurs semaines à vivre ce grand moment. Même dans l’enclave musulmane de KM5, on s’active aussi.

Sur toutes les lèvres, un seul mot : « La fête des Mères ». L’occasion est belle chaque maman de se faire belle et d’oublier le passé de guerre et de souffrance. Comme il est de coutume chez nous (à Bangui, je veux dire), la fête commence dans l’après-midi. Le matin, on s’attèle aux derniers réglages : cuisine, repassage des habits de fête, cirage des souliers, salon de coiffure… Ce dimanche-là, exceptionnellement, pas d’église pour les mamans chrétiennes. Quant aux maris, jusqu’à très tard la vieille, ils continuaient de faire la queue devant les guichets des banques dans l’attente de leurs paies. « Ce soir, on va se taper de nouveaux gars ! » lance une soi-disant « maman » (en vérité, elle serait encore une pucelle si les filles de nos jours ne tirent pas plus vite que leur âge). Elle ne fait pas marrer la trentaine de femmes presque tendues qui patientent, pour les unes, depuis deux jours chez le coiffeur.

Il est 11 heures. La tension monte dans la queue qui ne bouge pas au point que ni les agitations des membres de la  Seleka au camp du RDOT ni les crépitements d’armes au KM5 à l’instant ne les font frémir. « S’ils croient pouvoir nous gâter cette fête, ils se fatiguent pour rien ! » lâche une dame. « Que ça tire ou que ça pleuve, on va fêter aujourd’hui, dèh ! » Ajoute une autre. Plus loin, les hostilités sont ouvertes entre un couple dont le mari n’a pas pu toucher son salaire la veille. Il a beau chercher à s’endetter pour faire plaisir à son épouse, hélas, chez nous en période de fête « on ne donne pas crédit ô ! ». Il faut attendre encore. Le pauvre se fait savonner publiquement par une épouse furieuse et arrogante condamnée à rester chez elle ce jour-là. Adieu la réjouissance !

Et bonjour le désordre

A 17 heures, les rues sont prises d’assaut par des couples qui rivalisent en élégance. La fête peut alors commencer. Les guinguettes plongées dans un océan de vacarme sont pleines comme des toilettes publiques. On capte 40% de musique pour 60% de braillement. Il faut avoir des oreilles d’éléphant pour entendre ce que raconte son proche voisin. Il y a des mamans bien sapées, mais aussi des sangaris (des adolescentes) en  jupe courte ou pantalon moulant taille basse qui laisse percevoir une partie du string. On remarque aussi des accompagnateurs au regard de félin qui veillent. Ils sont assis sur des chaises ou des casiers en plastique autour des tables noires de bouteilles de bière, pendant que le DJ balance le trop bruyant « Eminado…Eminado… ». A défaut de pistes on danse sur sa chaise ou entre deux rangées de tables. Et bonjour le désordre.

Après 4, 5 ou 8 bouteilles avalées, certaines fêtardes, trop bourrées gerbent sur leurs voisins ou s’écroulent sur la table d’en face emportant sur le coup tout son contenu. Ce qui déclenche une petite empoignade, non sans quelques bobos, entre deux bandes ou au sein d’un même groupe. Tantôt, c’est le mari ou l’amant jaloux, ne supportant pas le clin d’œil du voisin à sa chère voisine si élégante ou un coup de pied donné sous la table pour attirer l’attention de celle-ci, qui le rappelle à l’ordre en lui vidant son verre sur le visage. « SPLACH ! » A ce stade, tous les coups sont permis. Et « VLAM ! », et « BING ! », et « FLABADA ! » les coups de poings et de pieds se croisent, des bouteilles et des chaises s’envolent dans tous les sens et laissent des victimes sur le tapis. Mais le tsunami finit plus tard par se calmer.

« Que la Seleka vienne ou qu’on casse la baraque, on va toujours fêter dèh ! »

La bière coule de nouveau. Des hommes et des femmes décidés à oublier la mauvaise période s’éclatent encore de plus belle. Vivent les Banguissois et bonne fête à toutes les mamans ! « Que la Seleka vienne ou qu’on casse la baraque, on va toujours fêter dèh ! » A la fin de la soirée (il y a eu plusieurs fins d’ailleurs, selon les endroits et les individus) certains couples sont rentrés comme des Peuls (c’est-à-dire séparés. Le mari torse nu, une dernière bouteille à la main et balbutiant des jurons est devant, tandis que son épouse à moitié décoiffée, tenant une chaussure à la main se moque dans son sillage; un mari qui n’a pas été du tout à la hauteur.

Certains titubent, claudiquent, chantent ou pleurent de plaisir… Des femmes sont tirées par les cheveux ou par le soutien-gorge : geste d’un mari jaloux qui ne désire pas avoir comme seul compagnon ce soir le deuxième oreiller. Une maman incapable d’aligner deux pas rend le surplus de sa consommation dans le « mama-mobile » grinçant (un pousse-pousse) qui la ramène chez elle. Couchée sur son dos et aveuglée par, on ne sait, combien de bouteilles ingurgitées, elle chante en boucle et d’une voix presque effacée : « Mou ouango oooh…Mou ouango na a Seleka, Djotodja !… » (Donne des conseils…Donne des conseils à tes Seleka, Djotodja !…) Enfin, ceux qui ont choisi de faire la fête loin de leurs quartiers finissent, pour certains, la soirée à l’unité de traumatologie de l’hôpital communautaire après une chute en taxi-moto. Ils auront plusieurs jours, voire des semaines, à y passer en reconditionnement. VIVE LA FÊTE !!

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